Cuisine électorale, par Martin Brem

Cuisine électorale, par Martin Brem

La température générale baisse, celle de l’Alsace est à la hausse.

On se croirait dans la cuisine de quelque Chef, un soir de vaste coup de feu : ça bouge, ça gigote, le ton monte.

Le spectacle est étonnant. L’Alsace contemple en général les flots du Rhin, elle dispose désormais de ceux du vin chaud qui coulent à gros bouillon dans les allées des marchés de Noël. Dans la foulée les cheveux de la Loreleï cèdent la place à la barbe à papa : à la réflexion c’est plus collant mais moins attachant. Des marées humaines se serrent devant les stands : on les gave de « Heilige Nacht » comme les oies de maïs – sauf que seules ces dernières terminent en général dans les assiettes de nos Chefs. De toute évidence les fins d’années en Alsace se prêtent davantage aux bains de foule qu’à ceux de minuit : si ça fait plaisir, n’est-ce pas l’essentiel ?

Et puis on procède aux dernières vérifications des Cigognes et à leurs plans de vol. Celles d’Alsace se spécialisent dans la fourniture d’enfants, paraît-il : et de fait une part significative de leur activité a lieu dans la nuit du Réveillon au sortir d’agapes fort arrosées – et pas que de vin chaud, fort heureusement… On ne sait encore si elles décolleront d’Entzheim – qui ne saurait bouder son plaisir d’une ligne supplémentaire- ou de Mulhouse : c’est le genre de secrets encore mieux gardés que certaines recettes de Chefs… Au demeurant, ces derniers leur servent-ils des cuisses de grenouilles ou des choucroutes au poisson avant leur périple – histoire d’alimenter les couples en bébés gastronomes ? On ne peut rien exclure…

Et puis surtout…

L’agitation est politique : car désormais la cuisine électorale fait autant jaser que celle qui réjouit les papilles. On vote des lois à Paris : elles déplaisent fort en Alsace, en tout cas chez certains. Horreur ! On voudrait rapprocher l’Alsace de la Lorraine et de la Champagne-Ardennes … Le sang de nombre d’autochtones commence à bouillir comme une sauce mal surveillée par un marmiton approximatif. Une telle association serait-elle aussi hérétique que de servir un Coca avec une choucroute, du ketchup avec du foie gras ?

Quelle place pour l’Alsace ? Va savoir… Une chose est sûre : ce n’est pas demain la veille que l’on saura dire Laewwerwurscht, Grumbeerekiechle, Streuselkieche, dans les régions limitrophes.

Modifiera-t-on la carte de France ? Il est surtout temps pour l’instant d’aller consulter celle d’un bon restaurant…

Bonnes fêtes à tous…

Martin Brem – Des cours de français au coaching orthographe et expression écrite, en passant par ses activités de « plume », d’écrivain ou de chroniqueur livres  : rien de ce qui concerne le plaisir des mots ne lui est totalement étranger…