Les vrais Chefs du Kamasutra, par Martin Brem

Les vrais Chefs du Kamasutra, par Martin Brem

La prestigieuse Pinacothèque de Paris propose une exposition sur le Kamasutra. Voilà qui est fort bien. On s’étonne quand même qu’aucun jumelage n’ait été envisagé avec les Cuisines des Chefs d’Alsace et d’ailleurs.

De fait, que cela convienne ou non aux esprits chagrins, l’art du bien-être propre au Kamasutra et celui de la Table offrent des points de convergence certains.

En effet, manger et s’adonner à quelque privauté, connaît-on des activités intellectuellement et physiquement plus accessibles, d’une technicité plus modeste ? Même une vedette de la téléréalité devrait pouvoir y parvenir sans risquer le burning out. Mais ce peut être des arts du raffinement : car on peut traiter ces moments-là à la va-vite, on peut au contraire prendre son temps, y déployer quelque talent, une créativité, qui sait ?, s’y essayer tout au moins. De la pizza Lidl pieusement réchauffée chez soi à la Truite Fumée Œufs de Caille pochés de quelque Chef : il est des grands écarts culinaires au même titre que ceux de l’alcôve.

D’ailleurs ce sont presque les deux seules activités où tous les sens sont convoqués : on regarde, on touche ; bientôt on hume, on goûte… Il n’est que l’ouïe que seul l’amour sollicite pleinement – oh combien ! : il vrai qu’une casserole faisant part de ses impressions, qu’un gigot gémissant sont des phénomènes plus rares.

Observons de plus près l’activité d’un Chef : il furète, choisit les meilleurs produits comme d’autres cherchent l’âme sœur. Si l’on ne fait pas la bonne rencontre, rien de bon ne se fera : le marché ou une terrasse de café ; Métro ou Meetic : la différence est modeste. Et puis il s’agit d’imaginer les combinaisons les plus somptueuses, d’accommoder des saveurs au rapprochement improbable : plaire et surprendre, tout est là. Une fois dans sa cuisine, loin des yeux indiscrets, le Chef est au four et au moulin : voilà que l’on s’agite, que l’on transpire – d’abondance à l’occasion : que ne ferait-on pas pour obtenir la jouissance du gastronome qui attend en salle ?

Faites l’amour, pas la guerre suggérait-on dès 68 – quoique l’on s’adonnât alors plus dans le pavé de trottoir que dans celui de bœuf- fût-il saignant. La formule était néanmoins recevable. Faites l’amour et mangez bien devrait-on dire désormais pour proposer un programme plus complet encore.

Bref, de la Pinacothèque à un bon restau, des charmes de la table à ceux de l’alcôve il n’est qu’un pas. En ces temps de morosité générale, pourquoi ne pas le franchir gaiement ?

Martin Brem – Des cours de français au coaching orthographe et expression écrite, en passant par ses activités de « plume », d’écrivain ou de chroniqueur livres  : rien de ce qui concerne le plaisir des mots ne lui est totalement étranger…