Les chefs dans la rue : Pétition pour faire passer certains mots à la casserole, par Martin Brem

Les chefs dans la rue :  Pétition pour faire passer certains mots à la casserole, par Martin Brem

Notre époque est craintive et énervée. Elle peut tolérer la prolifération des armes, le chômage de masse et même les chansons de I Muvrini …

Mais l’utilisation de certains mots, non.

Quel néo colonialiste avouerait encore qu’enfant il savourait volontiers « une tête de nègre » ? Quel père à l’implacable machisme sommerait son fils de cesser de « pleurer comme une gonzesse » ? Quel monstre sadique se risquerait à proclamer « qu’il a d’autres chats à fouetter » – en plein anniversaire de madame Bardot qui plus est ? Le recours a de telles expressions n’est plus une faute : c’est un suicide social.

C’est pour cela que la patience des Chefs étonne. Car les mots insupportables qui les accablent sont aussi abondants que les calories d’un Cheeseburger de bonne taille. Pire, ils se répandent, ils se multiplient, ils prolifèrent.

Ne dit-on pas de certains politiciens qu’ils « traînent des casseroles », font leur « petite cuisine électorale », de quelques autres encore qu’ils ont « des idées qui sentent le réchauffé » ? Le sport lui aussi se délecte de ces expressions qui rabaissent le travail culinaire : ainsi promet-on « la cuillère en bois » aux équipes malheureuses. D’ailleurs même les institutions représentant la Puissance Publique s’y mettent : les forces de l’ordre vont « cuisiner » le criminel avant que ce dernier se « mette à table ». Et de fait les policiers qui enquêtent sur leurs petits camarades sont eux-mêmes des « bœuf-carottes ». Et tout ce beau monde passe, évidemment, par le « panier à salade ». Quelqu’un se plaint de la moindre contrariété ? Voilà qu’on l’accuse d’en faire « tout un plat ».

Faut-il continuer cette triste litanie des expressions qui assimilent la Cuisine Française à des aspects navrants de la vie quotidienne ? Aucun risque de faire « chou blanc »

Aucune communauté ne tolèrerait de telles dérives langagières offensantes, oh combien, pour ses fonctions.

Il est donc temps que les Chefs se révoltent à leur tour. Qu’ils descendent dans la rue, qu’ils exigent l’abrogation immédiate de ces mots, de ces expressions intolérables. Une marche blanche ferait très bien ( on pourrait aussi faire des marches d’autres couleurs pour éviter toute discrimination). Une idée de trajet ? ils pourraient défiler devant l’Académie Française pour ordonner le retrait de ces mots du Dictionnaire. Peut-on faire mieux encore ? De fait, séquestrer les responsables du Larousse ou du Robert, voila qui aurait de l’allure ! Bien sûr l’idéal serait d’obtenir la pénalisation de l’emploi de ces mots : la Représentation Nationale, toujours avide de nouvelles normes, de nouvelles dispositions législatives, serait bien inspirée d’y songer.

La France manque d’ambition. Il va de soi que l’Abolition de ces mots indigestes qui blessent l’honneur de la Cuisine Française devrait devenir une grande cause nationale.

Martin Brem – Des cours de français au coaching orthographe et expression écrite, en passant par ses activités de « plume », d’écrivain ou de chroniqueur livres  : rien de ce qui concerne le plaisir des mots ne lui est totalement étranger…