Michel-Ange se met à table… par Martin Brem

Michel-Ange se met à table… par Martin Brem

Longtemps on a cru que l’Art c’était ce qui avait un parfum d’éternité. On voulait du grand, du beau, et surtout que ça traverse les siècles. Il y avait Versailles, les statues de Michel-Ange et les bijoux de Lalique…

Le 20ième siècle a bousculé bien des certitudes : car soudain est apparu l’Art éphémère. Son domaine d’élection le plus connu peut-être ? Le Land Art bien sûr… On a en tête certaines de ces œuvres exposées dans la nature, soumises à l’érosion, au soleil, à la pluie, à la neige et au vent, au temps qui passe tout simplement… Elles étaient là un instant et bientôt disparaissent. Parfois il n’en reste qu’une photo…

De même on a longtemps cru que seuls les grands événements pouvaient donner de grandes satisfactions : créer une oeuvre d’art, donner naissance à un enfant, se marier, réaliser un exploit sportif … Et puis là encore tout a changé : se souvenant des épicuriens Philipe Delerm publie en 97 « La première gorgée de bière …». Et, de page en page, il nous fait l’éloge de tous ces « plaisirs minuscules » qui sont peut-être parfois les plus forts car ils nous ravissent sans que l’on s’y soit attendu et donnent cette impression de suspendre, ne fut-ce qu’un instant, le temps qui fuit.

L’Art culinaire est une assez bonne synthèse de cette nouvelle façon de percevoir les choses.

De l’assiette que l’on nous sert, bientôt il ne restera plus rien, plaisir éphémère – quand bien même on aura pris le temps de la savourer – voir ici Rapide éloge de la lenteur. Et bien sûr ce bon plat qui nous aura ravi ne saurait prétendre à la complexité d’une fugue de J.S. Bach, bien sûr…

Il n’empêche. On a tous en nous quelques uns de ces moments qui restent gravés dans la mémoire. C’était dans une petite auberge un peu paumée ou chez un chef étoilé, qu’importe. Parfois ce sont les endroits les plus simples et les plus humbles qui marquent le plus. Etait-ce le cadre charmant, la présentation étonnante des mets, une épice inattendue, ou la simple perfection du travail bien fait ? Allez savoir…

On sait juste que le bonheur que l’on a ressenti ce jour-là valait bien celui que l’on a à l’écoute « I’m a fool to want you » par la Fitzgerald, au trouble ressenti devant certains Kokoschka … Plaisir minuscule, plaisir éphémère ? Certes… Mais dont le souvenir que l’on garde, amusé ou ému, a un petit parfum d’éternité.

Martin Brem – Des cours de français au coaching orthographe et expression écrite, en passant par ses activités de « plume », d’écrivain ou de chroniqueur livres  : rien de ce qui concerne le plaisir des mots ne lui est totalement étranger…