Nouveau décret « Fait Maison » : la controverse !

Le décret d’application du « Fait Maison » entre en vigueur ce mardi 15 juillet. A partir du 15 janvier 2015, les services de la DGCCRF commenceront à contrôler les professionnels utilisant le logo du « Fait Maison »…

Avec près de 174 membres, les Chefs d’Alsace sont bien placés pour donner leur point de vue sur ce nouveau décret, mais avant cela, penchons nous sur sa signification !

Selon le décret, un plat « Fait Maison » est un plat qui a été « entièrement élaboré sur place », à partir de « produits bruts » et n’ayant subi « aucune modification ».

Vous y voyez plus clair ? non ? nous non plus ! explications :

Pour porter le label « Fait Maison » un plat doit remplir les conditions suivantes :

1. Entièrement élaboré sur place : « … un plat est élaboré sur place lorsqu’il est élaboré dans les locaux de l’établissement dans lequel il est proposé à la vente ou à la consommation. Un plat « Fait Maison » peut être élaboré par le professionnel dans un lieu différent du lieu de vente ou de consommation uniquement dans le cadre d’une activité de traiteur, organisateur de réception, dans le cadre d’une activité de commerce non sédentaire, notamment sur les foires, les marchés et lors de manifestations de plein air et de vente ambulante »

Bémol : Étrangement, un plat peut tout de même porter le label « Fait Maison » (même s’il ne remplit par la condition « entièrement élaboré sur place »), dès lors que la marque du produit ou le nom du professionnel qui l’a fabriqué est expressément indiqué … exemple : « Fait Maison par Madame Spaghetti » … et le tour est joué …

2. A partir de Produits Bruts (et pas forcément de Produits Frais …) : Un produit alimentaire n’ayant subi aucune modification importante, y compris par chauffage, marinage, assemblage ou une combinaison de ces procédés.

Bémol : Produits épluchés (sauf les pommes de terre, pas question de donner le monopole à Mac Do 🙂 ! ), pelés, tranchés, coupés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus ou broyés, fumés, salés, réfrigérés, congelés, surgelés, conditionnés sous vide, les salaisons, saurisseries, pâtes feuilletées crues … sont considérés comme des produits bruts et entrent donc sans soucis dans la composition d’un plat « Fait Maison ». Quid des établissements qui payent des commis pour éplucher et préparer des produits FRAIS ? …

infographie fait maison par LP Infographie

3. N’ayant subi aucune modification 

En résumé, une salade de carottes arrivée râpée et sous vide, MAIS avec une vinaigrette réalisée par le cuisinier, pourra porter le label « Fait Maison » …

Au niveau du logo, il s’agit d’une casserole recouverte d’un toit de maison, très simpliste, ce logo a été retenu pour pouvoir être facilement tracé à la main sur une ardoise par exemple :

logo Fait Maison

 

Que pensent les Chefs d’Alsace de ce nouveau décret ?

Matthieu Koenig : C’est une bonne chose de vouloir mettre en avant les gens qui font vraiment leur travail, mais c’est à nouveau une contrainte supplémentaire … Pourquoi ne pas mettre en place un logo « Pas Fait Maison » – Cela serait beaucoup plus explicite pour le consommateur et n’obligerait pas le « vrai » cuisinier à rajouter des logos partout sur sa carte ! Ce label est quelque part contraignant, car il nous oblige à refaire nos cartes en mettant ce logo un peu partout, ce qui ne va pas les embellir. De plus, en tant que Maître Restaurateur, nous avons déjà passé un audit qui atteste que nous faisons de la cuisine Maison. Personnellement, je prends ce nouveau décret comme une contrainte pour les cuisiniers ayant déjà effectué une démarche qualité. Pourquoi ne pas aller frapper à la porte de ceux qui ne font pas bien leur travail, plutôt que de rajouter du travail à ceux qui en ont déjà assez dans leur cuisine ? … 

Matthias Degouy : Aux Alisiers, pour cet été, c’est carte sur ardoise ! Les produits / des idées/une saison. Le Fait Maison est une valeur à défendre encore et toujours ! Je partage totalement l’avis de Matthieu Koenig, il faut taper du point sur la table et dénoncer le NON FAIT MAISON ! 

Henri Gagneux : Quelle pagaille ! Informé, non informé … en fait, on ne sait  pas ce que l’on veut dire, bref le flou artistique. Rondement mené par des politiques qui ne connaissent rien au problème et qui veulent simplement donner l’idée d’un référé. Le client veut de la clarté, et le client c’est un électeur donc servons nous de ce genre de demande pour donner l’impression de faire quelque chose. La dessus se greffent les intérêts de chacun, l’artillerie lourde de la restauration celle qui aujourd’hui ne fait rien de maison mais qui ne veut surtout pas être mise au pied du mur, montrée du doigt comme le méchant petit écolier. Alors, ils font le forcing sur les politiques. Et puis, il y a les autres qui tous les jours essayent de travailler le plus possible des produits frais parce qu’ils connaissent leurs clients, ils ont du savoir faire et non du savoir paraître. Alors c’est très simple, le fait maison doit rester basé sur des produits frais, transformés sur place, mais si on commence à élargir le débat chacun se sentira lésé…

En résumé, un nouveau décret qui laisse mi-figue, mi-raisin !